Inclusivité dans l’industrie des cosmétiques| Qu’en est-il des femmes noires ? 

Femme cheveux afos

Pendant longtemps, les femmes à la peau claire étaient les plus favorisées en termes de choix au niveau des produits cosmétiques. Depuis peu, la beauté inclusive est venue redéfinir les codes. Briser les barrières du genre, de l’âge, ou des couleurs afin de répondre aux besoins du plus grand nombre semble devenu essentiel pour les entreprises. Mais alors que la France compte plus de 10 millions d’afro-descendants, pour quelles raisons les marques peinent-elles à combler leurs exigences ?

L’invisibilisation de la beauté noire en France

Lorsque l’on observe les publicités, on remarque que les femmes afro-caribéennes sont souvent représentées par un seul type de beauté. Elles ont pratiquement toutes le teint caramel et les traits fins. Elles sont noires , « mais pas trop ». 

Ah si pardon ! Lupita Nyongo fut en 2014 la première (et unique) égérie à la peau ébène chez Lancôme. Mais mis à part elle, arriveras-tu à citer 5 noms d’ambassadrices à la carnation foncée ? Nous sommes d’accord, on les compte sur les doigts d’une main. 

C’est à se demander si les marques de beauté occultent de manière volontaire les personnes qui ont le teint noir alors que les cosmétologues dénombrent pas moins de 39 pigmentations différentes.

Il en est de même au sein des médias; il suffit de visionner les élections de Miss France. Lorsqu’une femme est foncée et qu’elle adopte une coupe afro, la toile s’acharne sur elle. Ce fut le cas de Morgane Edvige, première dauphine Miss France 2016.

Miss Martinique 2015
Morgane Edvige – crédit photo : Getty images

Message twitter miss france 2016
Réponse à des messages racistes à l’encontre de Morgane Edvige – crédit photo : Twitter

Publication télé loisirs Miss Mayotte
 Publication de télé loisirs concernant Miss Mayotte 2015 – crédit photo : Twitter

Être une femme noire en France, c’est subir un manque de valorisation de la part des médias, des marques et de la société.

Le besoin des femmes noires souvent ignoré

Femme noire aux cheveux bouclés
Femme noire aux cheveux bouclés – crédit photo : Getty images

Les afro-descendantes dépensent 5 à 8 fois plus que les femmes blanches selon les segments, d’après l’agence de marketing AK-A

 Leurs budgets annuels se répartissent ainsi : 

  • 320 € dans l’achat des produits capillaires, 
  • 240 € pour les soins du visage, 
  • 240 € au niveau des crèmes et lotions corporelles, 
  • 180 € sont dédiés au maquillage. 

Bien que le marché de la beauté multiculturelle soit lucratif, les marques peinent à répondre aux attentes des individus multiethniques. D’après Valérie Amandala, créatrice de The Origin beauty, 73 % d’entre eux éprouvent des difficultés à dénicher des cosmétiques qui correspondent aux besoins spécifiques de leurs peaux. 

Par ailleurs, Hafoussoi Vanderwalle, fondatrice de Zawema, déclare que pour les personnes qui ont les cheveux lisses, il existe pléthore de produits. Il devrait y en avoir autant pour les afros sachant que les textures sont différentes et que les porosités ne sont pas les mêmes. 

« Si les dirigeants n’ont pas de stratégie multiculturelle pour leur marque, il y’a de fortes chances qu’elle n’existe plus dans les dix prochaines années ». Cabinet Nielsen, leader mondial de la mesure d’audience, des données et de l’analyse.

Les blocages relatifs à la création de marques de beauté inclusives 

Financement projet
L’absence de financement est une des difficultés majeurs des personnes qui désirent créer des produits cosmétiques pour les peaux noires – crédit photo : Getty images

1. L’absence de financement

La loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 interdit les statistiques ethniques en France. De ce fait, il est impossible de générer des données qui permettraient de convaincre des investisseurs et leur faire comprendre les besoins du marché. 

Hormis l’absence d’informations, ces derniers proviennent d’un milieu totalement opposé aux jeunes entrepreneurs qui proposent des solutions pour la communauté noire. Généralement, ils doivent présenter leur projet à des hommes blancs qui ont entre 40 et 50 ans et qui n’ont malheureusement que très peu de sensibilité face à ce marché.

2. L’inexpérience des laboratoires

Les laboratoires français n’ont aucune connaissance sur les spécificités des cheveux texturés et des carnations foncées. D’ailleurs, on pourrait même se demander s’ils se sentent concernés par le sujet de la diversité. Bien que la population française devienne de plus en plus métissée, les avancées en termes de formulation de produits adaptés aux peaux noires restent timides.

3. Le retard de la France sur le sujet de l’inclusivité

Il y a quelques années, j’ai demandé à une amie si elle ne connaissait pas une personne qui pourrait me faire un brushing. Elle m’oriente vers un salon à proximité de chez moi. Au départ, j’étais dubitative, mais elle m’affirme que l’une des coiffeuses maîtrise le lissage des cheveux texturés. 

Je prends rendez-vous, tout en m’assurant que ce soit cette personne qui s’occupe de moi ce jour-là. Au moment de la prestation, celle qui était censée être une spécialiste, observe mon crâne. Elle m’annonce qu’elle aurait préféré que je précise ma typologie (en l’occurrence un bon 4C) au téléphone. Premier red flag ! 

J’explique que je l’avais indiqué et que si j’étais venue, c’est parce qu’on m’avait affirmé qu’elle maîtrisait le coiffage des cheveux afro. Pendant deux heures, j’ai dû subir des remarques désagréables. Elle essayait de me rassurer en me disant qu’elle avait des cheveux similaires aux miens avant qu’elle fasse des brushings régulièrement pour les “discipliner”. Second red flag ! 

Je suis repartie avec la ferme conviction que je ne mettrai plus jamais les pieds dans ce salon. Ce n’est que des années plus tard que j’apprends que très peu de formations s’intéressent à nos spécificités dans les écoles de coiffure.

Hafoussoi Vandewalle, affirme qu’aux Antilles, les étudiants s’entraînent sur des cheveux raides. Les seuls enseignements destinés aux soins et coiffages des cheveux afros portent sur le défrisage. On ne leur montre pas comment les valoriser tels qu’ils sont. 

Au niveau de la peau, c’est la même chose. Peu de bons dermatologues résident en France, car il n’existe aucune formation sur les particularités des phototypes 4,5 et 6 (i-e peaux foncées).

4. Le manque de budget marketing 

Dès lors qu’un entrepreneur désire construire une marque pérenne, il doit investir en elle. Malheureusement, les dirigeants injectent peu de ressources, car ils considèrent encore à tort que le marché des cosmétiques pour peaux noires est un marché de niche. 

« Pour gagner de l’argent, il faut avoir un capital de départ. Et pour cueillir les fruits de nos efforts, il faut du temps. Pendant ce temps, il faut pouvoir vivre. Il faut de l’argent pour tenir jusqu’à ce que le projet sur lequel on est investi puisse rapporter. Parfois, les entrepreneurs afros descendants n’ont pas de quoi vivre, le temps que leur business rapporte » déclare Hafoussoi Vandewalle.

Les initiatives pour promouvoir la beauté inclusive émergent malgré tout … 

Beauté noire
L’industrie de la beauté peine à combler les besoins des femmes noires. Heureusement, des entrepreneurs se lèvent pour satisfaire les exigences de cette cible. – crédit photo : Getty images

Fort heureusement, de plus en plus d’entrepreneurs créent des concepts destinés à rendre accessibles les produits pour la communauté noire. Voici une sélection : 

The Colors

The Colors est un incubateur créé par Haweya Mohamed en 2021. Au travers de cette plateforme, les objectifs sont de soutenir les dirigeants de marques multiculturelles dans les secteurs de la mode et de la beauté , contribuer à leur développement et à leur pérennisation et valoriser l’inclusion. 

Elle réunit des experts comme Desiree Reid qui a lancé Iman Cosmetics et Jackie Celestin, l’ex-chef de la diversité chez L’Oréal, entre autres.

Natural Hair Academy

Initiée par l’agence de marketing AK-A en 2010, la Natural Hair Academy est devenue l’un des évènements incontournables pour les femmes noires et métisses. 

Chaque année, les participantes peuvent assister à des conférences sur la beauté, l’estime de soi, la mode et l’empowerment. Ces dernières années, plus de 10 000 personnes font le déplacement pour réseauter et découvrir de nouvelles marques.

Par bailleurs, grâce à Internet, les créateurs sont davantage au contact de leur cible et parviennent à proposer des produits réellement inclusifs. Instagram renverse les standards actuels pour laisser place à d’autres canons de beauté. Aujourd’hui, plateformes et marques indépendantes arrivent à combler les carences des grandes enseignes.

Zawema

Zawema est un site web qui rassemble des produits appropriés pour les cheveux texturés. Sa mission est de rendre les soins capillaires accessibles à tous et d’aider les consommateurs à entretenir leur couronne.

Après plusieurs années de défrisage ou de coiffures inadaptées, s’occuper de son afro semble difficile. C’est pourquoi Hafoussoi propose des séances de coaching au travers de sa plateforme digitale. Durant chaque prestation, elle établit un diagnostic et recommande des produits qui répondent aux besoins de ses clientes.

The Origin beauty

The Origin beauty est un concept store mixte premium qui commercialise des soins adaptés à toutes les carnations et typologies de cheveux. Sa mission est de célébrer toutes les beautés du monde et d’offrir aux consommateurs des produits et services de qualité qui répondent à des besoins spécifiques.

Dioka

Fondée en 2020 par deux sœurs, la plateforme DIOKA est un référentiel de salons de coiffure adaptés aux chevelures crépus, bouclés et frisés. Sa mission est de remédier aux problèmes capillaires que peuvent rencontrer les personnes aux cheveux texturés.

La sélection repose sur une série de critères comme la composition des produits utilisés et le service client. Avant d’intégrer le réseau, chaque enseigne est testée de manière anonyme par des ambassadrices de la marque.

PLS Cosmetics

L’aventure PLS Cosmetics démarre en 2019, lorsqu’Adé, Lyonnaise et maman de 3 enfants, décide de se consacrer à sa passion. En lançant sa ligne de maquillage inclusive, elle nous démontre que la beauté n’a pas de frontière. Au travers de son entreprise, la fondatrice désire changer les codes de l’industrie.

La marque reflète les valeurs qui lui sont chères : proposer des produits végans, cruelty free, sans paraben, écoresponsables et formulés à partir d’ingrédients naturels.

En parallèle, Adé souhaite nous sensibiliser sur la drépanocytose, et œuvre ainsi à la lutte contre la maladie. À chaque achat, 5 % sont reversés à Drepacare, une application qui accompagne les personnes drépanocytaires dans leur quotidien.

Et enfin, ma contribution à travers Warâlé

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé aller à la découverte de nouvelles marques. J’affectionne particulièrement les enseignes créées par des personnes qui me ressemblent, des afropreneurs qui comprennent mes frustrations en tant que consommatrice noire.

Je suis une véritable beauty addict. Malheureusement, je ne compte plus les fois où j’ai dû faire face à des problématiques pour trouver des produits adaptés à ma carnation.

Lorsque je prends la décision de privilégier des entreprises blackowned, c’est tout naturellement que je me suis tournée vers les marques de cosmétiques en premier temps. J’ai toujours été sensible aux initiatives de la communauté sur ce créneau, et celles-ci méritent d’être présentées au plus grand nombre. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’ont poussé à créer Warâlé.

Sources :

2 Comments

  • Belle article !
    Les marques et laboratoires des grands groupes ne sont pas ou très peu intéressés par notre phénotype. C’est pourquoi, il a peu d’études et de recherche nous concernant. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin d’eux et nous devons pas les supplier à créer des produits correspondant à nos réels besoins; nous devons impérativement soutenir les marque blackouwn qui font un excellent travail en leur donnant un maximum de force. Qui pourra faire mieux que nous-même?

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